Au mois de mai dernier, il se produisit dans la partie haute du chemin qui traverse le village de Tarsac, commune de Saint-Saturnin, canton d'Hiersac, un éboulement (au point marqué E sur le plan) qui mit à jour une cavité d'une certaine profondeur. On y descendit par une échelle et on se trouva en présence du souterrain que je vais décrire, l'ayant visité quelques jours après sa découverte.
Il comprend un couloir ou galerie de 80 cent. à 1 mètre de hauteur et de largeur égale, décrivant une courbe irrégulière et aboutissant à une chambre assez vaste de 5 mètres de longueur, 2,70m de largeur et 1,75m de hauteur. De cette chambre, un conduit très étroit, de 1 mètre de longueur, 50 cent. de largeur et 30 cent. de hauteur, donne accès a une pièce plus petite dont les dimensions sont : en longueur 2,90m, en largeur 2,30m et en hauteur 1 mètre.
Les deux chambres sont des rectangles ayant leurs angles arrondis et présentent par suite une forme sensiblement ovale. Le plafond se raccorde aux cotés par une partie aussi un peu arrondie, ce qui donne à la voûte l'aspect d'un arc très surbaissé.
Le croquis ci-après en reproduit la configuration.
J'ajoute que les habitants du village racontent qu'autrefois, en labourant un champ voisin, le sol s'est effondré sous les pas d'un bœuf. Enfin, dans le chemin sous lequel s'étend le souterrain, un peu plus bas que l'endroit il s'est produit l'éboulement, si l'on frappe le sol du pied, le son produit semble dénoter qu'on se trouve au-dessus d'une partie creuse.
J'ai rapporté des ossements d'animaux dont la chair servait à l'alimentation, bœuf, porc. lièvre, deux dents de sanglier. une dent de chien, et des fragments de poterie dont l'un a fait partie d'un vase qui est allé au feu et dont l'autre est recouvert d'un émail de couleur verdâtre.
Maintenant, se posent les questions qu'appelle toute découverte archéologique. Quelle était la destination de ce souterrain?1 A quelle époque faut-il l'attribuer ?
On a longuement disserté sur ces excavations artificielles, désignées généralement sous la dénomination\ de souterrains-refuges. Mais, bien qu'il en ait été découvert un nombre assez considérable, - dans la Charente seulement, il en a eté exploré une quinzaine, - la question n'est point résolue.
Selon les uns, ces souterrains ont été créés pour servir à l'habitation, et leurs couloirs étroits, à direction extrêmement irrégulière, leurs entrées exiguës avaient pour but d'en rendre la défense facile.
D'après les autres, c'étaient simplement des chambres d'approvisionnements, des caves destinées à recevoir et à. dissimuler des vivres et des provisions.
Je ne développerai pas dans ces courtes notes les arguments présentés à l'appui de l'une et l'autre de ces thèses, les deux pouvant du reste être exactes, appliquées à des souterrains différents. Je me bornerai à constater que la seconde manière de voir cadre mieux avec ce que j'ai dit du souterrain de Tarsac. L'absence de trous dans les voûtes pour amener du dehors l'air et la lumière, l'impossibilité d'y faire du feu, aucun orifice ne permettant le dégagement de la fumée, le rendaient difficilement habitable, au moins d'une manière permanente. J'en conclus que le souterrain dont nous nous occupons a été primitivement établi en vue de recevoir des approvisionnements, et qu'il n'a servi d'habitation, ou plutôt de refuge, que temporairement, pendant certaines périodes troublées.
Si on n'est pas d'accord sur la destination de ces souterrains, on n'est pas davantage fixé sur la période où ils ont été créés. Ce qui est certain, c'est qu'il en existait un grand nombre à l'époque de la conquête de la Gaule par les Romains; car ainsi que cela a été plusieurs fois rappelé, une mention spéciale en est faite par l'historien Florus, lequel raconte que César se débarrassa des Aquitains qui s'y étaient cachés, en en faisant fermer les issues (1). Quoi qu'il en soit, limitant mes observations au souterrain de Tarsac et aux éléments d'appréciation qu'il fournit, ,ie dirai seulement que les débris de poteries recueillis indiquent qu'il en a été fait usage au XIIe ou au XIIIe siècle, époque à laquelle paraissent remonter ces poteries, mais· qu'il a dû être creusé à une période plus ancienne.
A GUERIN BOUTAUD. SOCIETE ARCHEOLOGIQUE DE LA CHARENTE 1902
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