mercredi 13 janvier 2021

Spiritueux sans alcool, le pouvoir des mots.

 

[ DRY JANUARY ] Bienvenue dans le monde merveilleux des spiritueux sans alcool. Une catégorie émergente qui se développe. Ce qui aurait pu paraitre être un ersatz au sens premier du mot semble vouloir s'ancrer dans une mouvance durable. Signal faible en 2014, les spiritueux sans alcool sont désormais considérés comme un marché d'avenir. Ils ont fait leur apparition dans le sillage des bières et vins désalcoolisés qui déjà laissaient poindre un besoin que les "Mister cocktails" et autres « Ready To Drink » bons marchés peinaient à satisfaire. Des coûts de production faibles, des liquides non soumis aux droits d'accise ou à la cotisation sécurité sociale; pourtant ces produits sont commercialisés au prix de certains spiritueux (25-30€ TTC). Cette nouvelle catégorie représente une véritable manne financière. Que valent ces imitations ?

Les spiritueux sans alcool, un néologisme sous forme d'oxymoron qui interroge pour une catégorie en plein essor. À la clef, une promesse : "Un goût sophistiqué, des émotions similaires à celles de l'alcool. Une boisson spéciale à déguster en famille ou entre amis. Sans aucune autre conséquence". En Europe comme aux Etats-Unis, les spiritueux sans alcool ont le vent en poupe. Les cabinets d'études anticipent un engouement grandissant, notamment chez les jeunes, pour ce type de boisson. C'est que toutes les entreprises, ou presque, jouent sur l'idée d'une boisson plus saine et s'appuient sur l'attrait pour les produits bien-être des populations.

Chaque année en France la consommation d'alcool baisse invariablement en valeur et en volume (Source : FFDS). Elle a diminué de 30% en vingt ans, à moins de 12 litres par an et par personne. Au Royaume-Uni, elle a baissé de 18% entre 2014 et 2018. Un quart des jeunes des 16-24 ans n'en boit pas. Les campagnes de prévention des années 90 "1 verre ça va, 2 bonjour les dégâts" ont sans doute, produit leurs effets. Alors pour ceux qui trouveraient ce sacrifice un peu trop difficile, pourquoi ne pas essayer les spiritueux sans alcool? D'après les données du cabinet IWSR spécialisé dans l'analyse du marché des boissons alcoolisées, le marché des spiritueux sans alcool / low alcool progresse de 20% en France entre 2017 et 2018 et de 30,5% sur l'année 2018-2019.

Comme souvent, le mouvement des spiritueux sans alcool part des Etats-Unis à travers la mouvance « sober curious » et « l'alcohol free ». Le premier, lancé par Ruby Warrington, auteure américaine, vise à se laisser la possibilité de choisir ou non de boire et ainsi de modifier ses habitudes de consommation d'alcool. Ce principe séduit les jeunes soucieux de leur santé en quête de produits naturels à base de plantes.

Pour attirer l'attention des buveurs, les marques jouent la carte du bio et du retour à la nature. Un véritable paradoxe pour ces produits par définition composés d'eau aromatisée et pasteurisée UHT ou stabilisée à grand renfort d'antioxydants (SO2, acide ascorbique etc). Les bouteilles sont épurées et mettent en avant une boisson saine, naturelle, avec des plantes sur l'étiquette. La demande est là.

DÉFINITION DU MOT "SPIRITUEUX" ET APPLICATION JURIDIQUE.

Selon le dictionnaire Larousse, "Spiritueux (nom, latin spiritus) : Se dit d'une boisson qui contient un fort pourcentage d'alcool comme l'armagnac, le cognac, le whisky, le gin, etc."

Vu la définition commune du terme "spiritueux", on est en droit de se demander si il n'est pas abusif d'un point de vu juridique d'employer la terminologie composée "spiritueux sans alcool" en tant que dénomination commerciale ? Un non sens qui pourrait être analysé comme un détournement du sens premier du mot spiritueux avec le risque sous-jacent d'induire en erreur le consommateur. Pour la DIRRECTE la mention "spiritueux sans alcool" est applicable en l'espèce dans la mesure où celle-ci apparait être  suffisamment explicite pour la bonne information du consommateur." Une définition à la Magritt qui devra être confirmée par la jurisprudence. Un très beau cas pratique de droit qui devrait plaire au Maître de conférence à l’université de Poitiers Denis Rochard. Il est d’ailleurs étonnant comme le souligne Sébastien Foulard, rédacteur en chef d’Alambic Magazine, que la fédération française des spiritueux (FFS) ne se soit pas deja saisie du dossier devant la justice pour clarifier la situation. Le temps passant laisserait-il  place à un usage loyal, local et constant ?

L'EXPRESSION D'UN BESOIN SOUS JACENT

Le mouvement s'étend jusqu'aux bars. Certains proposent des cartes sans une goutte d'alcool dans de nombreuses villes. Ainsi, depuis 2018, le Listen Bar à New-York sert à sa clientèle des cocktails à 11 dollars, riche en goût, mais sans alcool. À Dublin, le Virgin Mary propose une carte 100% alcohol free. Les spiritueux sans alcool sont la réponse à une demande qui n'a jamais eu connaissance de l'existence des mocktails (cocktail sans alcool). En mirroir il y a l'a l'expression d'un besoin d'adulte qui renvoie au nécessaire aspect rituel et social d'une consommation show off qualitative en société (ON TRADE et OFF TRADE).

 Cheers,

F.


 


 

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