mardi 19 mai 2015

Tribune : La guerre des prix.


La guerre des prix détruit l'avenir de l’industrie agroalimentaire.

Longtemps, le sujet est resté tabou. On en parlait entre soi, à mots couverts et ce silence en disait d'ailleurs très long sur l'état de dégradation des relations entre la grande distribution et les entreprises agroalimentaires.
Pourtant, nous, dirigeants d’entreprise agroalimentaire, tenons à réaffirmer collectivement et individuellement notre engagement et notre fierté de produire et de commercialiser nos produits en France, d’enrichir notre pays et d’y créer des emplois.


Aujourd'hui, nous ne pouvons ni ne devons plus nous taire. La défiance entre nos entreprises et nos clients de la grande distribution est devenue contreproductive. L’équilibre du rapport de force s’est effondré à un point tel que l'avenir de la filière alimentaire française, englobant la production agricole et toute notre industrie, la première du pays, est en réel danger.

La concentration excessive des centrales d'achat de la grande distribution met en péril l'équilibre même des négociations commerciales, créant de nombreuses situations de dépendance économique. L'Autorité de la concurrence, dans son avis rendu le 1er avril 2015, met en lumière «l'existence de pratiques qui appellent à la vigilance», telles «les pratiques de déréférencement» et «les pratiques relatives aux exigences d'avantages sans contreparties ». Des pratiques que nous subissons tous au quotidien et que nous avons régulièrement dénoncées ! Le bilan des dernières négociations commerciales est édifiant : demandes de baisses de tarifs disproportionnées, demandes de compensation de marges rétroactives jusqu’à 2013, non prise en compte des évolutions des coûts, non-respect de la loi malgré les contrôles plus nombreux de la DGCCRF, et non-respect de nos salariés. Nous ne pouvons pas l’accepter.

Nous, dirigeants d’entreprise agroalimentaire, adhérons à la volonté de maintenir le pouvoir d'achat des consommateurs et n’hésitons pas à dire la vérité sur la guerre des prix. Elle n’améliorera pas significativement le pouvoir d’achat. Ce mensonge hypocrite a assez duré ! Dans la réalité, la part de l’alimentation dans le budget des ménages n’a fait que se réduire pour représenter aujourd’hui à peine 10%. En 2014, cette guerre des prix entre les enseignes de la distribution a en réalité permis aux consommateurs une économie de quelques dizaines de centimes d’euros par semaine… Pas étonnant qu’ils ne s’en aperçoivent pas.
Mais quelles sont les conséquences concrètes de la guerre des prix chez les agriculteurs et les industriels ? Dans les entreprises que nous dirigeons, ce sont des budgets de recherche et de développement qui s'amenuisent, des innovations qui se font plus rares, des investissements qui se réduisent, des engagements sociaux et environnementaux plus difficiles à financer. C'est notre capacité à exporter qui est freinée. Au bout du compte, lorsque ce n’est pas l’emploi d’aujourd’hui qui est directement menacé, ce sont les emplois de demain qui ne verront pas le jour. Des emplois en moins, c’est du pouvoir d’achat en moins. Voilà le vrai visage de la guerre des prix ! Nos entreprises emploient près de 500 000 personnes en France. Nous en sommes très fiers ! Le maintien et le développement de l’emploi constituent la véritable politique honnête et efficace pour améliorer le pouvoir d’achat.

Le système est bel et bien à bout de souffle car il ne sert plus personne. Agriculteurs, PME, Entreprises de Taille Intermédiaire, grandes entreprises, consommateurs, salariés, personne n’est épargné.
Nous, dirigeants d’entreprise agroalimentaire, sommes fiers de produire et de commercialiser en France, de servir l’Europe et de nourrir le monde. Nous avons en nous la volonté et la capacité de nous développer et d’enrichir notre pays dès lors qu’on nous en laisse la possibilité.

Nous avons besoin d'être entendus pour retrouver un juste équilibre et préserver nos entreprises, qui font vivre des millions de familles en France. Les 15 789 entreprises agroalimentaires, dont 98% de PME, sont indispensables à notre pays : implantées sur tous les territoires, elles restent bien souvent la seule industrie qui embauche à des kilomètres à la ronde.

Les pouvoirs publics nous ont beaucoup écoutés. Nous leur demandons aujourd'hui de passer d’urgence à l’action. Nous leur demandons de faire appliquer strictement la loi, de sanctionner les abus de manière dissuasive, de renforcer l’arsenal législatif afin de mieux prendre en compte l’évolution du contexte commercial. Après les paroles, place aux actes !

Nous souhaitons que la grande distribution travaille avec nous pour établir ensemble de nouvelles règles sur la base d’un constat commun et partagé. Notre enjeu collectif est de retrouver le sens d’une négociation responsable, garantissant à chacun, au producteur, à l'industriel, au distributeur et au consommateur, un juste prix, une juste rémunération, un juste avenir.

C’est l’intérêt de notre industrie, c’est l’intérêt de notre filière, c’est l’intérêt de la France.
Car alimenter, bien alimenter, doit rester notre fierté, notre responsabilité et notre ambition. Ensemble, nous devons et nous pouvons redonner de la valeur à l’alimentation.

La liste des 30 organisations représentatives signataires :

 L’ANIA (Jean-Philippe Girard)
 L’ADEPALE (Jérôme Foucault) et tous ses syndicats (Les entreprises du traiteur frais, La fédération des industries d’aliments conservés, La fédération nationale du légume sec, Les entreprises des glaces et surgelés, Le syndicat de la rizerie française)
 L'ALLIANCE 7 (Jean-Pierre Geneslay) et tous ses syndicats (les Syndicats de la Chocolaterie, de la Confiserie, des Miels, des Biscuits et Gâteaux, des Céréales du Petit Déjeuner, de la Panification Croustillante et Moelleuse, des Apéritifs à Croquer, du Café et de la Nutrition Spécialisée
 L’ASSOCIATION DES BRASSEURS DE FRANCE (François Loos)
 LA CHAMBRE SYNDICALE DES EAUX MINERALES (Denis Cans)
 LA CHAMBRE SYNDICALE FRANÇAISE DE LA LEVURE (Stéphane Lacroix)
 LA FEDALIM (Dominique Amirault)
 LA FEDERATION DES ENTREPRISES DE BOULANGERIE VIENNOISERIE PATISSERIE (Pascal Cantenot)
 LA FEDERATION FRANCAISE DES INDUSTRIELS CHARCUTIERS, TRAITEURS ET TRANSFORMATEURS DE VIANDE (Robert Volut)
 LA FEDERATION FRANCAISE DES SPIRITUEUX (Sylvie Hénon-Badoinot)
 LA FEDERATION NATIONALE DE L’INDUSTRIE LAITIERE (Olivier Picot)
 LA FEDERATION NATIONALE DES COOPERATIVES LAITIERES (Dominique Chargé)
 LA FEDERATION NATIONALE DES CORPS GRAS (Yves Delaine)
 LE SYNDICAT NATIONAL DES BOISSONS RAFRAICHISSANTES (Vincent Delozière)
 LE SYNDICAT NATIONAL DES FABRICANTS DE SUCRE DE FRANCE (Bruno Hot)
 L’UNION NATIONALE INTERPROFESSIONNELLE DES JUS DE FRUITS (Emmanuel Vasseneix)

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