On appelle couramment (à tord) Eau de Seltz une eau gazeuse faite d'eau chargée d'acide carbonique sous forte pression. Cette dénomination est impropre car à la base il s'agit d'une eau de source d'origine, naturellement gazeuse, provenant d'une ville bien spécifique en allemagne. Bref, d'où l'intérêt de protéger un produit d'origine avant que le vocable ne glisse dans le parlé courant...
L'Eau de Seltz est conservée dans une bouteille spécifique, appelée « siphon », généralement métallique, munie d'une valve, qui permet de servir l'eau en jet, grâce à la pression intérieure. L'eau de Seltz peut être naturelle (très rare) ou obtenue artificiellement. Soit en pressurisant directement du CO2 à l'état gazeux dans de l'eau plate avec un saturateur et une tireuse isobarométrique (le procédé fut longtemps réservé aux industriels, depuis Sodatream à vulgarisé un engin pour gazéifier à domicile). Soit en ajoutant dans un siphon remplis d'1 litre d'eau plate: 8g de bicarbonate de soude et 8g d'acide tartrique. Sinon pour celles et ceux qui ne veulent pas s'ennuyer il y a Saltza :)
L’eau de Seltz est d'abord une eau minérale naturellement gazeuse (Selterswasser ou Selterser Wasser) provenant des sources de la ville allemande de Niederselters, en Hesse moyenne, dans le Taunus (arrondissement de Limburg-Weilburg). C'est une eau minérale alcalino-muriatique, basique en raison de sa teneur en bicarbonate de soude et riche en sel. Dès le xvie siècle, cette eau était connue pour ses propriétés thérapeutiques, digestives et diurétiques.
La consommation s'en répand en Europe dans la deuxième moitié du xviiie siècle (eau de Selse, 1771), puis au xixe siècle avec le développement des théories hygiénistes, particulièrement après l'épidémie de choléra qui a ravagé Paris en 1832. On entreprend, alors, la fabrication d’eau de Seltz artificielle, par adjonction de dioxyde de carbone (CO2, communément appelé « gaz carbonique »).
L'EAU DE SELTZ, A L'ORIGINE
Situé dans le duché de Nassau, sur les frontières du pays de Trêves, à 5 lieues de Francfort et à 41 kilomètres de Mayence, le village de Seltz, Selters, ou Bas-Selters, s'élève à mi-côte d'une riante vallée où sourdent plusieurs sources qui se réunissent dans une espèce de puits ; ce sont les eaux minérales de Seltz ou de Selters. Découvertes vers 1525, elles servirent de boisson ordinaire aux habitants du pays; puis leur source, comblée pendant la guerre de Trente ans, fut négligée jusque vers le milieu du dix-huitième siècle. Les cures nombreuses qu'elles opéraient attirèrent l'attention des médecins; les malades y accoururent.
Depuis 1803, les sources de Selters appartiennent au duc de Nassau. Elles ne s'ouvrent qu'à midi, et de midi à une heure chacun peut y puiser librement et a le droit d'emporter sa charge d'eau minérale. Heureux le paysan aux robustes épaules qui peut emporter ainsi, non seulement la boisson salutaire qui éteindra la soif de sa famille pendant la journée, mais encore une marchandise précieuse dont la vente est toujours assurée ! De une heure à sept heures, les préposés du duc de Nassau puisent seuls pour leur maître, qui, tous les ans, expédie plus d'un million de bouteilles dans toutes les parties du monde, trouvant ainsi, dans une simple source, la plus nette partie de son revenu.
Ces eaux sont limpides, transparentes et très pures, malgré le pétillement et le bouillonnement continuel occasionné par le gaz qui s'en dégage et s'élève sans cesse au-dessus de la source. Elles offrent tous les caractères des eaux minérales acidulées; leur acidité est très agréable mais elles laissent sur la langue une saveur salée et légèrement alcaline due au sel qui s'y trouve mêlé à l'acide carbonique et qui n'existe pas dans l'eau de Seltz factice.
Les vertus précieuses des eaux de Seltz sont aujourd'hui connues de tous les médecins ; elles ont été spécialement célébrées par Hoffmann et Zimmermann, qui avaient pu faire une longue étude de leurs effets et constater les innombrables guérisons qu'elles opéraient sur des maladies rebelles à toutes les autres médications. Rafraîchissante, apéritive et diurétique, on emploie ces eaux principalement pour faciliter les digestions et contre les affections aiguës ou chroniques, contre tous les affaiblissements des organes digestifs.
L'eau de Selters se prend pure ou mêlée au vin ; on la joint aussi au lait d'ânesse ou de chèvre dans les fièvres bilieuses. Mêlée au vin, l'eau de Selters lui donne, avec un goût particulier qui le rend extrêmement agréable, le pétillement du vin de Champagne. Elle empêche l'ivresse, excite la gaieté et maintient l'intelligence vive et nette. »
On puise pendant cinq mois seulement aux sources de Selters, et le million de bouteilles qu'elles livrent est loin de suffire aux besoins des malades. Elles perdent, d'ailleurs, en arrivant à l'air libre, une partie de leur principe gazeux et s'altèrent encore un peu par le transport. Leur prix s'élevant toujours, elles ne sont plus abordables que pour les classes privilégiées et ne sauraient entrer dans la consommation du plus grand nombre. Il appartenait à la science et à l'industrie de dérober à la nature le secret de sa fabrication, et d'en faire la boisson hygiénique la plus populaire et la plus salutaire, en éliminant de leur composition tous les éléments qui, avant des propriétés purement médicinales, pouvaient avoir des effets nuisibles dans l'usage journalier ; immense bienfait pour la santé publique ! Il fallait une longue expérience pour arriver à cette simplicité de composition des eaux gazeuses. Pour la préparer artificiellement, on mêla ces sels à l'eau ordinaire.
EAU DE SELTZ A PARIS
En 1833, il n'existait encore à Paris qu'un petit nombre d'établissements de boissons gazeuses. L'épidémie de Choléra qui sévit en 1832 propagea sa distribution à des fins sanitaires. Ce petit nombre suffisait alors ; la consommation d'une eau si fortement médicamenteuse, vendue de 1 franc à 1,50 franc la bouteille, étant forcément très restreinte. Elle était restée, pendant toute la Restauration, une boisson de luxe connue seulement de riches convalescents et des hommes de science ; on n'évaluait pas à plus de deux cent mille bouteilles sa consommation annuelle. Sa composition la plus usitée se rapportait, vers 1830, à celle du soda-water anglais. Ses formules étaient : eau pure, acide carbonique, bicarbonate de soude ; ou bien : eau pure, acide carbonique, bicarbonate de potasse.
On s'était aperçu que l'eau de Seltz doit surtout ses qualités agréables et hygiéniques à la présence de l'acide carbonique, et que les autres substances qu'on y mêlait peuvent bien lui donner quelques propriétés salutaires dans certaines affections particulières; mais qu'elles sont le plus souvent nuisibles aux estomacs qui ne se trouvent pas dans l'état spécial qui nécessite l'emploi de ces substances.
L'eau simplement acidulée par le gaz acide carbonique, infiniment agréable pour tous, fut reconnue plus favorable, dans la plupart des cas, au malade, surtout comme boisson diététique, que chargée de principes minéraux.. On laissa, dès lors, à l'officine privilégiée du pharmacien le soin de remplir la formule, fort compliquée et très chargée de l'eau de Seltz minérale factice, et l'industrie libre s'empara de la fabrication de l'eau rendue acidulée et gazeuse par la seule présence de l'acide carbonique, et à laquelle l'usage a maintenu le nom d'eau de Seltz. »
LOBBY PHARMACEUTIQUE
La pharmacie ne vit pas sans colère un progrès qu'elle considérait comme une atteinte portée à son privilège, et, assimilant l'eau gazeuse aux autres eaux minérales factices, elle voulut la faire rentrer dans le domaine des substances purement médicinales. Un procès fut intenté par ses représentants à M. Fèvre, comme fabricant d'eau de Seltz et comme débitant de bicarbonate de soude et d'acide tartrique, dont il avait eu l'intelligente idée de former des petits paquets contenant la dose d'une bouteille et vendus cinq centimes.
Le tribunal de première instance déclara les pharmaciens mal fondés dans leur demande, et les condamna aux dépens. La loi ni le tribunal ne pouvaient, en effet, considérer comme une substance purement médicinale et pharmaceutique, une boisson qui entre dans la consommation générale, qu'on prend au café, au restaurant, chez le marchand de vins, à l'heure de ses repas, et pour laquelle, si elle était considérée comme produit pharmaceutique, il faudrait avoir constamment une ordonnance de médecin dans sa poche pour le pharmacien. Pour l'eau de Seltz, la question ne peut être douteuse ; sa composition si simple est connue de tous, et ses effets salutaires, jamais dangereux, le sont encore davantage. Elle est conseillée, il est vrai, comme boisson hygiénique et médicinale à tous les estomacs débiles ; mais il en est de même du médoc, qui ne peut être considéré comme produit pharmaceutique que par quelques spirituels gradués qui rendent volontiers la vigne tributaire de leur officine.
HYGIENISME
En 1839, M. Payen pouvait écrire : « Les appareils à eau gazeuse ont contribué à répandre dans notre population l'usage d'une boisson salubre et économique qui peut s'allier utilement au vin, en modérer les effets sans en altérer la saveur. Bientôt cette heureuse habitude, devenue de plus en plus à la portée des classes pauvres, repoussera graduellement l'usage immodéré des boissons enivrantes, et les épouvantables suites de la démoralisation que de tels excès produisent. »
SIPHON
L'invention des siphons révolutionna l'industrie. Les inconvénients qu'offrait le débouchage des bouteilles, inondant presque toujours la table et les environs, et ne fournissant qu'un ou deux verres d'eau réellement gazeuse, empêchaient beaucoup de gens d'en faire usage. Le vase siphoïde, fournissant toujours une eau également saturée, quelque temps qu'on mit à le vider, n'amenant jamais aucun désagrément, pouvant se passer de main en main, fut immédiatement adopté par les consommateurs. Les fabriques d'eau de Seltz, obligées alors de posséder un matériel d'exploitation considérable, durent redoubler d'efforts pour faire travailler ce capital ; les cafés et les restaurants qui, au contraire, n'eurent qu'à recevoir ces siphons en dépôt, et à prélever un bénéfice relativement énorme sur l'eau qu'ils contenaient, prirent l'habitude de l'offrir aux consommateurs. La vente des poudres gazogènes devenue libre, chaque épicier se fit le dépositaire des paquets Fèvre, et la facilité qu'on trouva à préparer ainsi une eau gazeuse à bon marché fit inventer les appareils de ménage, qui figurèrent bientôt avec honneur sur toutes les tables bourgeoises.
M. Payen pouvait écrire en 1851: « La préparation des eaux gazeuses constitue une industrie de quelque importance, depuis que l'usage s'est répandu dans les populations ouvrières, circonstance heureuse et dont on doit s'applaudir, puisqu'elle introduit l'habitude d'étendre le vin avec de l'eau dite de Seltz, qui diminue ou annule les propriétés enivrantes, tout en donnant à la boisson une saveur piquante due à l'acide carbonique, tandis que l'eau simple rendait jusqu'alors le mélange trop fade pour être du goût des mêmes consommateurs. Il en est résulté qu'un assez grand nombre d'ouvriers font maintenant usage d'eau de Seltz, au lieu de consommer du vin pur exclusivement, et que, par suite, les faits déplorables de l'ivresse et ses funestes conséquences, ont pu diminuer dans les lieux où ces nouvelles habitudes se sont introduites. »
MODES DE PRODUCTION
En 1766, le chimiste suédois Torbern Olof Bergman, cherchant à reproduire les eaux naturellement effervescentes que l'on estime bonnes pour la santé, invente un procédé pour produire de l'eau gazéifiée. Il constate que la saveur aigrelette des eaux gazeuses naturelles est due à la présence de CO2 et donne le procédé scientifique apte à imiter les eaux naturelles.
En 1767, l'Anglais Joseph Priestley découvre indépendamment une méthode de mélange de l'eau avec du dioxyde de carbone en suspendant un bol d'eau au-dessus d'une cuve de bière dans une brasserie locale de Leeds, en Angleterre. Priestley trouve que l'eau ainsi traitée a un gout agréable et en offre à des amis comme boisson rafraichissante. Pensant, à tort, que cette eau peut être un remède contre le scorbut, il accepte de former à sa fabrication l'équipage de la Seconde expédition de James Cook dans la mer du Sud. En 1772, il publie Directions for Impregnating Water with Fixed Air, où il établit que des gouttes d'« huile de vitriol » (acide sulfurique) tombant sur de la chaux produisent du dioxyde de carbone, et où il décrit la méthode pour dissoudre le gaz dans un bol d'eau. L'application pratique et commerciale de la découverte de Priestley, réalisée par Johann Jacob Schweppe à partir de 1783, va faire la fortune de ce dernier.
Bien d'autres personnes produisent de l'eau gazeuse et différents systèmes de fabrication vont être utilisés :
- recueil du « gaz carbonique » (terme impropre désignant le dioxyde de carbone) dans les sources minérales et thermales. Le gaz s'élève généralement au milieu du bassin où on installe un récipient sous lequel il s'amasse. Il est utilisé à des fins médicinales et à la confection d'eau gazeuse ou de limonade (lorsque l'eau est édulcorée avec des sirops de citron ou d'orange). Cela se pratique par exemple dans des usines de Saint-Alban et des environs de Clermont-Ferrand qui fournissent leurs produits chargés de gaz naturel aux pays avoisinants;
- emploi de poudres gazogènes : en 1775, Gabriel François Venel (médecin, inspecteur général des Eaux minérales qui, chargé d'une enquête sur toutes les eaux minérales du royaume, n'a pu décrire et analyser complètement que 25 eaux minérales) invente à Montpellier un procédé utilisable dans les ménages : dissolution de 8 grammes de carbonate de soude et de 8 grammes d'« acide muriatique » (acide chlorhydrique) dans un litre d'eau; on bouchait la bouteille et l'agitait, ce qui suffisait à dégager le gaz et à le dissoudre;
- emploi d'appareils à vases communicants : les poudres sont dissoutes dans le plus petit vase et le gaz dégagé passe par sa propre pression dans le plus grand, étant tamisé par des cribles jusqu'à l'eau qu'il sature. Le danger résidait dans le fait que les tuyaux, les robinets ou les douilles étant presque toujours en étain plus ou moins plombifère, l'action des poudres pouvait produire des sels toxiques; cette méthode était utilisée dans les ménages et les laboratoires des pharmaciens pour lesquels on avait créé des appareils spéciaux où tous les ajustages métalliques étaient remplacés par du verre et qui permettaient de gazéifier à la fois 8 ou 10 litres d'eau. Certaines eaux gazeuses naturelles étant recommandées par le corps médical, il est courant, aux xviiie et xixe siècles, de fabriquer de l'eau gazeuse dans les pharmacies, en imitant les propriétés minérales des eaux originales ; on crée, par exemple, « des eaux de Seltz, de Sedelitz, de Spa, de Balaruc, de Barèges ».
- emploi du système de production intermittente, créé par le pharmacien français Gosse, à Genève à la fin du xviiie siècle, connu sous le nom d'« appareil de Genève » et qui lui permit d'expédier plus de 40 000 bouteilles d'eaux minérales artificielles par an : le gaz provenait de l'action de l'acide sulfurique sur la craie ; le système avait deux inconvénients : l'eau gazeuse s'affaiblissait au fur et à mesure que la condensation et la pression du gaz devenaient moindres, et il nécessitait l'interruption régulière des opérations soit de production du gaz, soit de dissolution du gaz dans l'eau;
- emploi du système de production continue : Joseph Bramah remplace, « en 1817, la pompe à gaz de l'appareil de Genève, par une pompe munie d'un robinet régulateur à double ouverture, qui amène l'eau et le gaz, simultanément ou séparément (suivant la volonté de celui qui dirige l'opération), dans le récipient saturateur, et les deux éléments dans la proportion voulue par la marche de la fabrication » ce qui permet de ne jamais devoir interrompre la fabrication ;
- emploi des appareils Hermann-Lachapelle, ou d'emploi d'appareil à deux sphères : moins encombrants, ils présentent aussi l'avantage d'être constitués de pièces aisément assemblables à l'aide de raccords préparés et numérotés à l'avance.
Cheers,
F.
bonjour. Merci pour votre article, ça fait plus de 30 ans que je possède des siphons, sans savoir comment les recharger.
RépondreSupprimerC'est dur de trouver de l'acide tartrique, un pharmacien propose à 30 € les 250 g, ce qui mettrait le litre d'eau de Seltz à 60 cts, à ce prix, autant acheter de l'eau gazeuse. Et par internet, les frais de port découragent aussi
J’ai donc commencé par faire des essais, avec de l’acide citrique, bon marché, dans un siphon récent espagnol, avec carapace plastique
Or je n’obtient qu’une très faible pression, et ne sort de la bouteille qu’un ou deux cm3 d’eau. Au bout de quelques minutes, je peux à nouveau soutirer quelques cm3, mais sans le plaisir du jet puissant de mes souvenirs. Puis on peut renouveler comme ça.
C’est comme si le dégagement de gaz était incapable de vaincre la pression, et stoppait à un certain niveau, mais trop faible.
Comme si à l’origine, elles étaient boostées vraiment au CO², via le bec verseur.