mardi 27 septembre 2022

CHAMPAGNE, DOMAINE ALEXANDRE BONNET

 


Le Domaine Alexandre Bonnet est, à bien des titres, une exception champenoise. Il a pour écrin Les Riceys, magnifique bourgade médiévale aux portes de la Bourgogne. Si le cœur de cette dernière, loin du regard de Reims et d’Epernay, a longtemps balancé, elle est pourtant, forte de ses 844 hectares de vignes, la plus grande commune viticole de la Champagne. Et la seule à posséder 3 AOC (champagne, coteaux-champenois et rosé-des-riceys). Les anciens y voyaient le doigt de Dieu. La Laignes, charmante rivière des Riceys, étant l’index de la main formée par les 5 vallées irriguant le Barséquanais. On est ici au royaume du Pinot Noir. L’histoire d’Alexandre Bonnet s’y enracine dès 1934. Aujourd’hui, fort de son vignoble qu’il possède en propre, ce Domaine des Riceys est un acteur majeur du renouveau de la Côte des Bar, cette « autre Champagne », authentique, sauvage, riche d’un terroir unique. 

Le Domaine Alexandre Bonnet, pépite des Riceys, s’inscrit dans la révolution de l’Aube. Longtemps resté dans l’ombre de la Mon- tagne de Reims, cette extrême Champagne, lovée en arc de cercle aux confins de la Côte des Bar, démontre depuis quelques années qu’elle est bien plus qu’un second rôle. La finesse et la générosité de son Pinot Noir, aujourd’hui recherché par toutes les grandes maisons, et une nouvelle généra- tion de vignerons, bien décidés à prendre leur avenir en main, font le renouveau de ses champagnes et de ses coteaux d’ex- cellence. Le Domaine Alexandre Bonnet en est l’ambassadeur. 120 km séparent Eper- nay des Riceys, mais cette extension du domaine des grands champagnes s’inscrit dans une histoire séculaire. Si l’origine du vignoble des Riceys, le plus méridional de l’appellation Champagne et le plus vaste avec 844 ha, remonte à l’époque gallo-romaine, il a longtemps été tiraillé entre ses deux «frontières»: Bourgogne et Champagne. Ducs de la pre- mière et Comtes de la seconde se déchi- rant pour savoir qui de ses raisins auraient le vin. Aussi le cru bourguignon dès 830 devint champenois au XIIIe siècle, puis revint dans le giron du Duc de Bourgogne en 1420, via le traité de Troyes, pour enfin être rattaché, au sortir de la guerre de cent ans, au Royaume de France. Mais la duali- té demeura. Preuve, les portes doubles des maisons des Riceys. À l’époque, l’une était située en Champagne, l’autre en Bour- gogne. Selon les années et la mieux-di- sante des provinces, on sortait le vin par l’une ou l’autre. Même la création des départements, en 1790, n’épuisera pas le débat. Les uns ne voulant pas être sé- parés de la Côte-d’Or, les autres plaidant pour un rattachement à Troyes. Et si à la fin du XIXe siècle, phylloxéra et exode rural imposent une trêve - « Ce n’est pas le vigneron qui quitte sa vigne, c’est sa vigne qui le quitte », disait-on alors. Cette guerre viticole ne prendra fin qu’en... 1927 ! L’Aube et les Riceys basculent définitivement dans l’appellation Champagne. C’est à cette époque, en 1934, que Lucien Noble plante ses premiers ceps. Sa fille, épouse de René Bonnet, puis ses petits fils, Serge et Alain, feront fructifier le vignoble de la famille et lui donneront en 1970, son nom de Domaine : Alexandre Bonnet. Un domaine, aujourd’hui sous la houlette d’Arnaud Fabre, qui cultive fièrement sa singularité, celle des Riceys. Village aux trois clochers et aux 26 monuments clas- sés, « Site Remarquable du Goût », cru le plus recherché de la Côte des Bar, il est le seul à posséder trois AOC lui permettant d’élaborer aussi bien champagnes que vins tranquilles : coteaux-champenois, en plein essors, et rosé-des-riceys. Un rosé rare, de gastronomie, ne se satisfaisant pas d’une robe pâlotte mais infiniment subtil, dont Louis XIV raffolait et que Bernard Pivot fit découvrir, à l’aveugle, lors d’une émission mémorable d’Apostrophe. La cuvée dégus- tée était signée Alexandre Bonnet ! Ce triptyque –effervescence, vins tran- quilles et rosé – est toujours celui du Domaine qui, autre fait rarissime pour la Champagne, possède en propre la totalité de ses vignes et élabore tous ses flacons à partir de raisins maison. Et si la qualité, la sincérité et l’identité affirmée des cham- pagnes extra-brut et des vins tranquilles qui sortent de ses caves sont unanimement salués par la critique (au Top 3 des meil- leurs rosés du Monde de Don Winkler figure celui du Domaine, la gamme des cham- pagnes rafle des notes d’excellence) c’est sans doute, s’amuse Arnaud Fabre, «que nous avons su garder dans notre ADN une part bourguignonne ». Chefs de culture, de cave, ricetons d’origine et de cœur, ont tous fait leurs classes à Dijon. Et ce n’est pas un hasard si le travail parcellaire est aujourd’hui le mantra de ce regain viticole aux Riceys. Même si ici on ne parle pas de « climats » mais de « contrées », cela dit bien le tournant vino-centré qu’est en train de prendre cette Champagne sudiste, dynamique, passionnante, qui réveille l’ap- pellation et fait des Riceys, avec le Domaine Alexandre Bonnet, son nouvel oméga. Aux Riceys, la vigne se mérite. Elle ne se dévoile pas tout de suite. Il faut monter à travers bois pour embrasser du regard ses coteaux, surgis du Jurassique et patiem- ment façonnés par les hommes pour en faire jaillir le raisin. Établi sur un calcaire du Kimméridgien, entrecoupé d’étroites petites vallées verdoyantes, l’accordéon de ces coteaux aux pentes abruptes constitue une véritable mosaïque à expositions mul- tiples. Le Pinot Noir y est roi. Il représente plus de 80% de l'encépagement. Condi- tions climatiques - un ensoleillement que lui envie toute la Champagne - et agro-géo- logique - le sol argilo-calcaire est de même nature que celui des grands crus de Chablis - lui donnant le cœur léger. Ici ou là on peut aussi apercevoir des cadoles, loges de pierre circulaires, typiques du Barsé- quanais, qui servaient d’abri aux vignerons. Trois ont déjà été restaurées par le Domaine. La biodiversité est aussi partout. Au printemps des orchidées sauvages éclosent mystérieusement à l’orée des vignes. Rouges gorges, chardonnerets, fauvettes à tête noire, mésanges... font la navette entre les bois des vallons et ceux du haut des coteaux. Pour leur per- mettre de faire escale, Didier Mêlé, le chef de culture, a replanté des arbres fruitiers au cœur même des vignes. Des jachères mellifères font aussi le bonheur des abeilles. La fierté, le respect, l’amour de l’équipe pour ce terroir exceptionnel a conduit le Domaine Alexandre Bonnet à mener ses premiers essais bio il y a plus de 12 ans, un processus qui se poursuit. Et à être le premier domaine des Riceys à avoir été certifié Haute Valeur Environnementale dès 2015. Plus aucun herbicide ne vient entraver l’enherbement. Aujourd’hui, les chevaux reviennent aussi dans les vignes, pour peu que la rudesse de la pente ne leur soit pas trop dure. Des cépages an- ciens, sont réintroduits : Buret, Blanc Vrai, Petit Meslier et Arbane. Mais, c’est bien l’iconique Pinot Noir qui reste le «chef de caves ». De son raisin, ne naissent pas moins de 6 vins différents : champagnes blanc de noirs, champagne rosé de saignée et champagne rosé d’assemblage, rosé- des-riceys, coteaux-champenois en rouge et en blanc. C’est la magie des Riceys !  Et si aujourd’hui, l’âge moyen des vignes étant de 25 ans, le vignoble du Domaine est à pleine maturité, apportant puis- sance, finesse et équilibre à ses vins, c’est le travail parcellaire qui prévaut. Exprimer toutes les nuances, la richesse et le po- tentiel de ce terroir extraordinaire d’une Champagne à fleur de Bourgogne, c’est l’ambition du Domaine Alexandre Bonnet pour Les Riceys. Depuis 2019 Arnaud Fabre préside à la destinée du Domaine Alexandre Bonnet. Itinéraire d’un enfant de la vigne. Originaire du Médoc, les vignes sont ses racines. Ses deux grands- pères font du vin. Son père est directeur technique de Château Lafite. De la fenêtre de sa chambre il a vue sur l’étiquette du grand cru, pêche la tanche dans son étang, s’égaie dans ses parcelles. « Au moment des vendanges, se souvient-il, je dérobais des raisins et faisais au garage ma cuvée « nature » dans une bassine. Elle tournait immédiatement mais je la mettais tout de même en bouteilles et je l’ornais d’éti- quettes dessinées main. J’étais très fier ! ». Le vinificateur en herbe ne se contente pas de commencer sa carrière en « détour- nant» du Lafite. À 10 ans, il est nommé par son oncle « guide officiel » du Château grand-paternel, Fourcas Dupré à Listrac, où il passe toutes ses vacances. Il fait visiter les chais, explique la vinification. Pour autant, l’âge des études supérieures venant, il décrète «le vin, ce sera sans moi ». À 18 ans on n’a pas envie de rentrer dans le rang. École de commerce, double diplôme de Neoma Business School à Reims (incursion prémonitoire de la Cham- pagne dans son curriculum vitae ?) et de l’Universidad Pontificia Comillas à Madrid : l’époque est à l’effervescence des start- up. En Espagne, il travaille pour un site de e-commerce pour accessoires de mode premium. De retour à Paris, il se lance dans le sound design. C’est là que l’appel du vin fait à nouveau entendre son jingle. Ses parents ont quitté le Médoc pour le Languedoc où ils ont acquis un magni- fique domaine, Château d’Anglès, sur le terroir AOC de La Clape. « Mais créer de grands coteaux-du-languedoc est une chose, les faire connaître et les vendre en est une autre », sourit Arnaud. « J’avais eu le temps de tomber amoureux de ce promontoire sauvage où vignes et aman- diers descendent vers la Méditerranée à perte de vue. J’y avais fait escale quelques mois à mon retour d’Espagne ». Alors, en 2004, il plaque tout, démissionne, quitte Paris pour rejoindre l’aventure. « À 24 ans on n’a rien à perdre ! ». Et, diront certains, il en va des destins comme des vins, ils se révèlent l’heure venue. Mais, nouveau coup de foudre, la rencontre de celle qui va deve- nir la femme sa vie, parisienne venue pas- ser l’été dans cette presqu’île audoise, va rebattre les cartes. Il a 30 ans, pour elle il repart de La Clape – non sans avoir fait, en six ans, d’Anglès le succès - et regagne la Capitale. Au côté de Françoise Vadé-Felon, grande dame de la vinosphère, découvreuse de pépites, il défend dès lors les couleurs, à Paris et à l’export, de vignerons prestigieux (Henri Boillot, François Labet, Pibarnon, Trévallon, Marcel Deiss...) s’imprègne de leur vision, de leur philosophie du vin. Reste que son ADN de fils et petit-fils d’oeno sa- piens le mène à « porter le flambeau d’un Domaine, d’une Maison en propre ». La Champagne est à portée de Paris, ce nouveau terroir de jeu s’impose comme une évidence. En 2014, il rejoint la maison Castelnau, à Reims. Cinq ans plus tard, en 2019, un ami lui parle d’Alexandre Bonnet, aux Riceys. « C’est un domaine fait pour toi », lui dit- il. Rendez-vous est pris. L’ami avait raison. « Ici, tout ce que j’aime est réuni. Un lieu fort, puissant de son histoire, de sa géo- graphie, de son savoir-faire, un domaine libre de sa viticulture, et la détermination, aux vignes comme en cave, d’hommes et de femmes ayant la passion de leur terroir » Et Arnaud Fabre d’ajouter « aux Riceys on est loin des dorures des hôtels particuliers de l’Avenue de Champagne. Mais l’espace, le temps, la nature préservée, sont notre luxe. Le vrai luxe d’aujourd’hui ». En ce Gi- rondin, la « Champagne de l’extrême » et Alexandre Bonnet ont trouvé le plus ardent des ambassadeurs. Deux regards, deux générations, entretien croisé entre Didier Mêlé, Œnologue et Chef de Culture du Domaine depuis 2000 (à la suite d’Alain Bonnet) et Irvin Charpentier, formé à la géologie, la viticulture et l’œnologie et promis à prendre la succession d’Alain Pailley actuel Chef de Cave. 

 Cheers,

 F. 

 

 

 

 

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