Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel: illustration du dicton. Après 20 ans de croissance "presque" continue le marché du cognac s’est effondré en 2023. Enfin sur la timeline le mot "presque" pèse lourd puisqu'il ne faut pas oublier: la crise de destockage de 2008-2009 (-28 millions de bouteilles expédiées versus le pic de vente précédent) et la crise diplomatique chinoise des phtalates en 2012-2013 (-13 millions de bouteilles expédiées versus le pic de vente précédent). Il y a eu également la crise du COVID en 2020 (-23,6 millions de bouteilles expédiées versus le pic de vente précédent) et donc en 2022-2023 la dernière crise de surstockage consécutive à l'épisode post-COVID et potentiellement conjugué à un décrochage durable de la consommation américaines (-59,2 millions de bouteilles expédiées versus le pic de vente précédent). La vie du cognac n'est pas un long fleuve tranquille. Comme le dit mon grand père (93 ans) : "Ça va aller, de toute façon les grandes crises du cognac ne durent jamais plus de 10 ou 12 années." Cool ! Maigre consolation ^^
Infographie: Charente Libre.
En chiffres, la progression sur 20 ans ans fait état de 110 millions de bouteilles vendues en 2000 (historique contemporain le plus bas depuis les années 80") pour atteindre un pic de 230 millions de bouteilles en 2021. Finalement la bulle explose et les ventes retombent à 170 millions de bouteilles vendues en 2023. Pour ne plus jamais remonter ? Du moins c'est ce qu'affirme les Cassandres. Plafond de verre atteint ? Peut-être ou peut être pas, les consommateurs n'ayant pas encore été atomisés par une guerre thermonucléaire nous pourrions espérer une reprise après destockage aux USA. Joie ! Néanmoins, entre 2022 et 2023 les ventes ont chuté de -23% pour la catégorie cognac (-47% pour l’ultra leader Hennessy qui pesait pour presque 50% du volume mondial de cognac vendu en 2021).
Post-rationalisation de la situation.
Le marché mondial du cognac est monopolistique. Il se réalise (réalisait ?) à 98% à l’export. Des exportations réalisées à 80% par deux pays, je caricature : USA 40% et ASIE 40% (pour ne pas dire Chine+Singapour). Une situation économique du " deux pieds dans le même sabot" qui amplifie les effets dévastateurs en cas de crise dans une de ces deux zone géographique.
D'aucuns attribuent le récent déclin des expéditions de cognac sur le marché américain à un phénomène de sur-stockage. Une bouteille expédiée n'est pas une bouteille vendue... et une bouteille vendue n'est pas une bouteille bue. Un grand classique de la confusion entre sale in / sale out.
Aux USA pendant que la crise sanitaire COVID sévissait, la peur de manquer de containers pour déplacer la marchandise vers outre-atlantique à fait son oeuvre. Notons que le prix du container, bien réel lui, avait été multiplié par 6. Du coup les marques ont stocké un maximum de bouteilles aux USA pour éviter les ruptures inexorablement à venir. Cet effet de sur-stockage aux USA a produit en cascade des tensions sur les autres marchés (on a déshabillé Paul pour habiller Jacques). La rareté (fictive ou réelle) faisant le prix, les retailers américains ont augmenté leur prix... mais passé un certain seuil tarifaire le consommateur se tourne vers d’autre spiritueux(tequila vieillie, whisky, rum).
Post-COVID aux USA c'est la suppression des aides sociales 🇺🇸 dites "Hélicoptère Money" qui va mettre un frein une consommation artificielle de cognac sous perfusion monétaire pour les strates les moins argentées de la société. Nota bene: le plan de lutte contre la crise COVID initié par le président Biden c'était tout de même 1900 Millards de $. Soit en pratique un chèque de $1400 par personne dans tous les foyers tous les mois. Avec en sus une mesure fiscal pour pouvoir déduire ces aides jusqu’en 2022. Cet argent gratuit a largement contribué à soutenir la consommation de cognac par des populations qui n'y avaient pas accès auparavant.
Cet afflux monétaire conjugué à des stocks massifs provoque un phénomène d’augmentation des prix : inflation. Conséquences pour le cognac: une inflation du prix de la qualité VS qui passe de $39 à $49.
Changements sur le fond.
Autre cause peu souvent appelée: le changement générationnel. Les rappeurs à la mode qui faisaient la promotion du cognac en 2007 ont vieillis : ils ont aujourd'hui 50 ans et +. Les nouveaux jeunes américains ont des idoles de leur âge qui, en rupture avec la génération précédente, s’identifient à d’autres spiritueux.
La consommation d’alcool serait elle en train de passer de mode ? Comme le fait de chiquer ou de priser le tabac; des habitus qui ont presque disparu naturellement. Un effet long-termiste des mesures sanitaires misent en place dans les années 90 pour limiter/interdire la publicité. Avec des campagnes de prévention efficaces sur les méfaits de l’alcool. L'émergence du no & low alcohol ou le dry January n'est certainement pas un hasard et les chiffres de la FFDS attestent d'érosion constante de la consommation d'alcool (toutes catégorie confondues) depuis 20 ans sur le sol français. Un retour à l’essentiel, à une forme de sobriété qui est respecté socialement.
On pourrait également penser une meilleure conscience économique et politique du consommateur plus éduqué et moins accro (ou alors différemment) au marketing, aux marques. J'en veux pour preuve en France l'émergence des vins natures à opposer a une forme de déclin du Bordelais.
L'homme aime se faire peur. Il y a tout de même fort à parier que l'on revienne à court terme à un niveau de consommation mondial moyennisé proche d'avant les perturbations directes et indirectes du COVID. La volatilisation durable de la consommation américaine semble peu probable. Hennessy fait une moyenne de 90.52 millions de bouteilles expédiées sur ces 8 dernières années (contre seulement 66 millions de bouteilles expédiées en 2023). En variation, marché monde sur 4 ans, en millions de bouteilles, cela donne:
-24 millions de bouteilles expédiées, 2020
+42 millions de bouteilles expédiées, 2021
-7 millions de bouteilles expédiées, 2022
-52 millions de bouteilles expédiées, 2023
Soit tout de même un solde négatif sur 4 années : -77 millions de bouteilles expédiées et... 7 années de stock de cognac commercialisable disponible dans l'aire d'appellation avoisinant les 6 107 140 HLAP (base 200 millions de bouteilles expédiée).
Cheers,
F.
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