mardi 15 mars 2022

[ LE CHÊNE ET LE ROSEAU ] Ou quand le chêne déchaine les foudres du milieu cognaçais.



L'innovation est toujours source de réflexions et d'avancées dans la définition collective d'une catégorie de spiritueux. C'est ainsi qu'une marque bien connue de cognac vint troubler l'ordre établi depuis belle lurette sur la place François 1er en utilisant, en finition d'élevage de 6 mois, des barriques faites en chêne américain (quercus alba). Quid de l'usage traditionnel, loyal et constant qui voulait que l'on n'utilise pour le vieillissement sur l'aire d'appellation uniquement des bois de chênes présents sur le territoire français depuis toujours ? (espèces endémiques) À savoir: le chêne pédonculé et le chêne sessile (dit aussi: rouvre). Telle est la question mes mignons !



DU CHÊNE, DES CHÊNES.

Chouette ! C'est une belle occasion pour plonger la tête la première dans mon livre sur la flore forestière française (volume plaine et coline). La famille des fagaceae regroupe de nombreuses dicotylédones : 900 espèces divisées en 9 genres. Dans la famille des fagaceae je voudrais le chêne. On nomme ce genre QUERCUS. Il se divise en de nombreuses branches. Difficile de ne pas connaitre cet arbre présent dans tout l'hémisphère nord. Force est de constater que la section Quercus (dite aussi Lepidobalanus), qui nous intéresse ici, est très très vaste : 




UN POINT DU DECRET AOC COGNAC (VOLONTAIREMENT ?) PEU PRÉCIS.

La marque de cognac dans le viseur fonde le bien fondé de l'utilisation de bois de chêne américain en se basant sur une imprécision du cahier des charges de l’appellation d’origine contrôlée « Cognac » homologué par le décret n° 2015-10 du 7 janvier 2015 relatif à l’appellation d’origine contrôlée « Cognac » ou « Eau-de-vie de Cognac » ou « Eau-de-vie des Charentes », JORF du 9 janvier 2015. 

En effet, force est de constater que le cahier des charges ne mentionne pas précisément "les sections du genre Quercus" qui sont expressément autorisées pour confectionner les fûts destinés à vieillir patiemment l'eau de vie de cognac. Cf. infra:





TERROIR, DES BOIS LOCAUX.

Alors qui a raison ? Le chêne américain doit il être autorisé ou interdit. Ce qui impliquerait par extension d'interdire également les chênes en provenances de tous les autres pays pour la confection du cognac : Hongrie, Slovénie, Roumanie, Italie, Espagne etc. Sale temps pour les tonneliers dont les parcs regorgent de plot de merrains de ces qualités...

Tout dépend de la fonction et de l'importance que l'on donne au fût dans l'élaboration du cognac. Dans les temps anciens de l'histoire de cette eau de vie des charentes que l'on appellera bien plus tard "cognac" le fût n'était qu'un moyen de conditionner un liquide en vrac pour le transport. Peu d'importance était donné aux essences de bois utilisées au départ. En cela on pourrait prétendre donc à l'utilisation de n'importe quelle bois pour la confection du fût et a fortiori : à n'importe quelle section du genre Quercus (1 point pour Quercus Alba).

Il faudra d'ailleurs attendre le XXème siècle pour que disparaissent enfin les dernières barriques en châtaignier et en acacia. Pourquoi avoir utilisé ces essences de bois me direz vous ? Tout simplement parce que ces bois étaient disponibles sur le territoire proche, et que pendant longtemps le plus simple et le moins couteux était de s'approvisionner au plus près (1 point pour les chênes locaux : Quercus Robur & Quercus Petrae) 

Peu à peu à travers les siècles les essences donnant des fûts "fuyards" ou donnant des goûts peu avantageux aux eaux-de-vies (acacia) furent abandonnées au profit du chêne sessile ou du chêne pédonculé plus qualitatifs et disponible au pays de Jean de la Fontaine.





PRIVILEGIER LE CHÊNE DU TERROIR FRANCAIS.

A mes yeux, dans la logique d'appellation d'origine contrôlée, il semblerait logique que l'obligation de vieillissement des eaux de vie sur l'aire d'appellation cognac soit doublée de l'obligation d'utiliser uniquement des barriques conçues à partir d'essence de chênes endémiques prélevés sur le territoire français tel que Quercus Robur et Quercus Petrae. Ces sections du genre Quercus font partie intégrante du processus d'expression de la typicité des eaux de vie du cognaçais en tant qu'essence du terroir d'origine. 

Toute autre utilisation d'essence de bois, de provenance étrangère au sol national, devrait être proscrite dans la fabrication de barriques dédiées au vieillissement des cognacs sous peine de déclassement des eaux de vie ainsi vieillies en Brandy. Et vous ? Qu'en pensez vous les pti'loups?

Cheers,

F.





1 commentaire:

  1. Attendons nous à retrouver d'ici quelques temps des cognacs élevés en ex fûts de bourbon, Sauternes, ou sherry !! Une bien belle erreur à mon sens de la part du BNIC de ne pas avoir "cadré" l'origine et/ou type de chêne destiné au vieillissement du cognac...

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