samedi 26 décembre 2020

Spiritueux Magazine : Cognac, plaidoyer pour la fin des finitions d'élevage en fût de X,Y,Z

 

Avant d'être un argument marketing pour les chefs de produit en mal de créativité il faut savoir que la finition d’élevage « en fût de » a eut un intérêt réel à la production de spiritueux bruns.

Pour des questions d’économies sur les coûts de production, les whiskies prirent l'habitude d'utiliser de vieux fûts de sherry afin d’accélérer artificiellement le vieillissement de leurs plus jeunes eaux-de-vie. Objectif : mettre sur le marché des whiskies à moindre coûts. En effet les vins de voile ont la particularité de produire une molécule "le sotolon" qui est responsable du goût de rancio (goût de vieux : curry, fenugrec, noix rance etc.). Ce type d'utilisation avait une logique, discutable en terme de loyauté envers le consommateur final, mais cela s'expliquait. 

D'ailleurs ce type de pratique a mené à la dérive du "mouillage". Les Écossais ne trouvant plus assez de barriques de Sherry ce sont mis tout simplement à mettre 4% de sherry dans leur barrique de whisky (mais chuuuuuut c'est un secret). Vous comprendrez alors que toutes ces finitions faites dans des fûts autres que des vins de voiles laissent le professionnel du chai songeur quant à une quelconque légitimité. Et vous savez quoi le pire c'est que cela fonctionne très bien pour doper les ventes !

Après le whisky, « la finition en fût de » est un argument marketing en vogue à Cognac. Fût de sauternes, fût de sherry, fût de porto etc. La seule limite est l’utilisation d’une barrique ayant contenu précédemment un liquide aux origines viniques, excluant de facto toutes les productions à base de céréales. Le marché est porteur et les finitions vont bon train pour accroitre une différenciation facile et séduire cette clientèle d’amateurs de caves déjà fortement éduquée sur cet aspect par les marques de whiskies.

La "finition en fût de" n’a aucune raison d’être au cœur d’une appellation aux racines pluricentenaires comme le cognac. Physico-chimiquement, ce type de finition d'élevage relève plus du cocktail déguisé (Prémix, RTS) qu’autre chose. CQFD, je m’explique: 

Un fût neuf vide de 350L en chêne à gros grain pèse 62kg.

Un vieux fût juste vidé de 350L en chêne à gros grain pèse 76kg.

Soit un delta de 14kg de liquide imbibé dans le bois du fût. 14kg de liquide qui se retrouveront dans le produit fini suite à l'élevage de finition. Si 1L est environ égal à 1kg (extrapolation volontaire) alors le liquide imbibé dans les fibres du bois représentera 4% du volume total de la barrique. Conclusion: Faire un élevage de finition relève plus de la préparation à grande échelle d'une variation du « Cocktail Old Fashion » dosé à 4% qu’à un quelconque spiritueux d’origine. 
 
Il aurait été bon d’exclure purement et simplement "les finitions en fût de" du cahier des charges de l’appellation cognac et ainsi de laisser close cette boite de Pandore. 
 
Quand aux essences de bois autorisées pour la futaille de vieillissement à Cognac, elles devraient se restreindre aux espèces endémiques françaises. Pour des raisons historiques évidentes mais également pour des raisons écologiques: Dans un contexte « locavore » sensible aux impacts environnementaux, comment justifier l’importation de barriques et le bilan carbone catastrophique qui va avec pour faire des finitions d’élevage à Cognac ?

Le respect total du lien à l'origine est à mon sens le seul gage de durabilité d'une appellation, car par définition: tout ce qui est à la mode se démode. Comme dit le père Bourgoin: « Faire et défaire c’est toujours faire ». À quand une nouvelle rédaction du décret d’appellation ? 
 
Cheers,
 
F.

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