vendredi 20 octobre 2017

Plaidoyer pour un pineau des charentes nouvelle génération.


Singulièrement pluriel, c'est le nouveau motto du pineau des charentes. Objectif: conquérir de nouveaux marchés au national et à l'international. Jusque là rien de nouveau sous le soleil. Le comité national du pineau des charentes (CNPC) joue la carte de l'authenticité pour favoriser une stratégie de valeur.

 Le pineau des charentes du vigneron Brard-Blanchard, à l'ancienne.

CONSTAT, UNE MISTELLE AOC EN BERNE.
Il est vrai qu'à l'heure actuelle cette mistelle* AOC élaborée à base de cognac est peu valorisée. La faute aux marques de distributeur (MDD) qui persistent à vouloir revendre ledit produit en GMS (supermarchés) aux alentours de 7,00€ TTC ? La faute à une fiscalité inique qui plombe le résultat et par ricochet les investissements en marketing et communication ? La faute aux BABV qui captent des consommateurs toujours plus versatiles ? ou simplement une tendance globale du marché ? 


Le pineau des Charentes du négociant Bache-Gabrielsen.

Ce qui est certain c'est que les ventes chutent et que l'aoc a du mal à reconstituer des stocks. Il est vrai que le marché des apéritifs en France n'est pas au beau fixe: -5% en 2016 (Source Nielsen). Jean-Marie Baillif, président du CNPC, est lucide : "produire c'est bien, vendre c'est mieux". Comment trouver ça place dans une catégorie foisonnante dont le moment de consommation (l'apéritif) est en pleine restructuration ? Nous assistons ainsi à une disparition du moment apéritif traditionnel au profit d'une plage horaire confuse de consommation dite "bonding" associée à du grignotage de planches et autres.


UNE STRATEGIE DE VOLUME DECADENTE.
Le pineau des charentes a la particularité d'être mutée au cognac. Les coûts de production sont donc naturellement élevés (x8 versus un VDN muté à l'alcool neutre). La stratégie du bas prix est forcément non-pérenne, et le schéma de distribution en GMS (grande et moyenne surfaces) aujourd'hui en est la preuve. Il faut sortir de ce marché irrévérencieux et monter en gamme en (re)créant de la valeur ajouté au produit. Mais comment ? La différentiation par le design packaging, si bien illustrée par Rastignac, n'est semble t'il pas suffisante. Peut être parce que le positionnement choisi par Rastignac est trop rupturiste ?


Chateau des Plassons, pineau des Charentes Rastignac, un positionnement visuel néo-colonial.

La difficultés des mistelles a toujours été liée au fait qu'elles soient considérées comme des produits secondaires. Pas valorisant, pas valorisé. Exemple: Le pineau des charentes peut-être considéré comme une production secondaire à côté de la production vivrière principale du viticulteur qu'est celle du cognac. C'est cette même réflexion même qui a été tenue en 1942 par le législateur pour légitimer de façon douteuse une taxation des vins de liqueur supérieur à celle des vins doux naturels.


Domaine Ménard, le fournisseur officiel de pineau de Nicolas depuis 50 ans.

DES LIMITES ORGANOLEPTIQUES À LA CONSOMMATION
Le salut viendra de la capacité de l'AOC pineau des Charente a retrouver sa créativité initiale en retouchant subtilement les intrinsèques du produit. Pourquoi ne pas ouvrir les yeux et le décret d'appellation (datant de 1945) pour proposer "une mistelle actuelle" plus en phase avec le goût actuel des consommateurs ? 




Le pineau des Charentes c'est très bon (TRÈS FRAIIIIS), mais ne nous leurrons pas, même très très frais on n'en boira actuellement jamais plus de deux verres d'affilés. Pourquoi ? C'est organoleptique Jamy : Trop de sucre résiduel et trop d'arômes tertiaires liés à l'élevage de 18 mois (dont 12 mois minimum sous bois).



UNE ESPERANCE ECLAIRE L'HORIZON
Le CNPC proposait lors de sa dernière assemblée la création d'une nouvelle catégorie de pineau entre le vieux et le très vieux "parce que l'élevage de 30 mois impact le goût". C'est exact, et saluons le geste ainsi que l'ouverture d'esprit qui va avec. Messieurs du CNPC, vous pensez être dans la question mais vous n'y êtes pas. Le taux de sucre résiduel, les tannins liés à l'élevage, ceci est la question. Occupez vous de ceci. 

Cheers,
F.





CHIFFRES DE L'AOC PINEAU DES CHARENTES
537 viticulteurs
2300 ha de vigne
80 000 hl produits
11,6 millions de cols vendus

55% de blanc
45% de rouge

96% en pineau des charentes
4% en vieux et très vieux pineau des charentes

25% d'exportation dont 80% en Belgique
50% des ventes France en GMS (1/3 dans la région d'origine)





HISTOIRE DU PINEAU DES CHARENTES
La culture de la vigne est présente dans la région des Charentes depuis l’époque romaine. D’abord implanté en Saintonge dès le IIIème siècle, le vignoble s’étend vers l’Aunis et l’Angoumois, pour enfin couvrir l’ensemble de la Charente et de la Charente-Maritime, avec la ville de Cognac au coeur de cette nouvelle économie liée à la vigne. Ainsi, le Pineau des Charentes partage son histoire avec le Cognac. Depuis, les vignerons respectent les mêmes traditions et savoir-faire pour élaborer ce "vin de liqueur" unique et de grande qualité. D’abord réservé à un usage familial – il est le vin des mariages et des évènements familiaux - sa consommation s’étend en région, puis il devient un vin reconnu au niveau national.
Dès 1920, la filière s’organise pour obtenir en 1935 le statut de vin de liqueur d’Appellation d’Origine. C’est le 12 octobre 1945, que le Pineau des Charentes connaît un véritable essor en devenant Appellation d’Origine Contrôlée. Aujourd’hui, sa notoriété dépasse les frontières de l’Hexagone pour s’exporter à l’international.

Si l’origine précise du Pineau des Charentes reste quelque peu incertaine, il est dit, selon la légende qu’il serait le fruit du hasard (sérendipité). Un vigneron aurait ainsi versé par mégarde des moûts de raisin dans une barrique contenant de l’eau-de-vie de Cognac. Ce n’est que bien des années plus tard qu’il découvrit ce vin limpide et ensoleillé. Le Pineau des Charentes était né.

Cépages : ugni blanc, folle blanche, colombard, sémillon, sauvignon, montils, meslier Saint-François, jurançon blanc, merlot blanc, merlot noir, cabernet sauvignon, cabernet franc.
Vieillissement : 18 mois minimum, dont 12 mois en fûts de chêne.
Degré : en général 16 à 22%
Œil : robe pouvant aller d’un jaune paille à un vieil or aux reflets profonds. Des larmes régulières se forment rapidement autour du verre.
Nez : à la fois intense et élégant ; d’une grande complexité, des notes de tilleul et de fleur de vigne se mêlent à toute une palette aromatique de fruits frais - pêche, prune, figue – et fruits secs - amande, pruneau, pâte de coing - avec une pointe de vanille et de miel.

* VOCABULAIRE - Mistelle et vin de liqueur sont des synonymes au sens de l'OIV et de la France. Néanmoins il serait bon, selon moi, qu'à terme un distinguo soit fait au profit de la terminologie mistelle. Puisque un pineau des charente est un jus de raisin muté au cognac (et non un vin muté au cognac). De plus la terminologie vin de liqueur prête outrageusement à confusion avec "vin liquoreux" c'est à dire un vin qui contient plus de 45g de sucre résiduel. En l'occurence un pineau des charentes contient environ 120g de sucre résiduel, et du cognac. Donc dites oui aux mistelles et dites non aux vins de liqueurs :)

2 commentaires:

  1. il faudrait déjà plutot moderniser le packaging bouteille et etiquette! l'image du pineau fait vieillot... l'apéritif est festif... vieillot et festif ne vont pas ensemble... les babv vont enterrer le pineau... soyez créatif!!!

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  2. La proposition de Frédéric Bourgoin consiste à créer une catégorie de Pineau des C jeune, élevé une courte durée en cuve inerte.
    Ceci est la méthode d'élaboration du Floc de Gascogne... dont les volumes produits et vendus sont en recul constant.
    Cela ne me semble donc pas une bonne idée.

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